La Crise du PPA-MTLD en 1954 (Messalistes vs. Centralistes): Comprendre la plus grande crise du mouvement national algérien

précédent
suivant

 

1- Résolutions de la session extraordinaire du Comité Central en Mars 1954.

1ère Résolution

Le comité central, réuni en session extraordinaire le 27 et 28 mars 1954 à la demande du Président du Parti, après avoir entendu le rapport présenté par ce dernier en réponse aux résolutions du C.C adoptées lors des sessions du 1er au 4 janvier et du 17 février 1954, après avoir enregistré la démission de leurs fonctions du Secrétaire Général et du Comité Directeur entraînant celle du Secrétariat de la Fédération de France :

CONSIDERANT la situation crée au sein du Parti par le différend entre le Comité Central et le Président du Parti ;

CONSIDERANT que seul un Congrès extraordinaire, donnant toutes garanties aux deux parties et à l’ensemble des militants, peut régler le différend et que le Comité Central est l’organisme statutairement compétant pour la convocation du Congrès extraordinaire et la détermination des modalités de représentation;

CONSIDERANT que le Comité Central est statutairement responsable devant le Congrès et devant le Congrès seul ;

CONSIDERANT que l’intérêt du parti et de son unité réelle exige la participation au Congrès des représentants de toutes les tendances s’étant manifestées au sein du parti à la suite du différend entre le C.C et le Président du parti, représentation élective et démocratique donnant des garanties à l’ensemble des militants du Parti ayant une activité régulière en son sein ;

CONSIDERANT que le Congrès extraordinaire doit se tenir dans des délais raisonnables et qu’en attendant ce Congrès, des mesures devant ramener une atmosphère de calme et de discussion fraternelle et constructive entre les militants au sein d’une organisation fonctionnant normalement, doivent être prises ;

CONSIDERANT que la situation, si elle persiste, ne peut mener qu’à un déchirement interne ;

LE COMITE CENTRAL décide la tenue du Congrès extraordinaire pour le 15 juillet 1954 au plus tard ;

LE COMITE CENTRAL reste l’organisme suprême du Parti entre le Congrès et présentera à ce congrès le compte-rendu de toutes ses activités et responsabilités définies par l’Article 18 des statuts.

LE COMITE CENTRAL décide de remettre à partir du 1er avril 1954, la responsabilité de la Direction du Parti, dans le cadre des décisions du 2ième Congrès et pour faire face à toutes les activités courantes, au Président du Parti. La date limite de la passation de pouvoir sera le 15 avril 1954.

LE COMITE CENTRAL délègue au Président du Parti le soin de fixer les modalités de convocation du Congrès extraordinaire à condition que soient scrupuleusement respectés le principe statutaire de la participation obligatoire des membres du C.C et une représentation démocratique donnant des garanties à l’ensemble des militants.

LE COMITE CENTRAL qui ne renonce à aucune des responsabilités qui lui ont été données par le Congrès, se réunira en attendant le Congrès extraordinaire, chaque fois qu’il sera convoqué par le Président du Parti ou que le tiers de ses membres en exprimeront le désir.

Le Comité Central lance un appel à tous les militants pour la préservation de l’unité du Parti et les invite à rester dans les rangs du Parti.


2ème Résolution

LE COMITE CENTRAL réuni en session extraordinaire les 27 et 28 mars 1954 ;

CONSIDERANT qu’il est seul responsable de la gestion des finances du Parti dont il doit rendre compte au Congrès et au Congrès seul ;

CONSIDERANT que le Comité Central y compris le Président du Parti porte la responsabilité de rendre compte de la gestion financière du Parti jusqu’au Congrès extraordinaire ;

CONSIDERANT que le Comité Central désire fournir au Président du Parti les moyens financiers pour l’exercice de la Direction du Parti jusqu’au Congrès extraordinaire prévu le 15 juillet au plus tard ;

LE COMITE CENTRAL décide de conserver la totale responsabilité de la gestion des finances du Parti pour se conformer aux statuts du Parti.

LE COMITE CENTRAL décide de mettre à la disposition du Président du Parti, pour l’exercice de sa responsabilité de direction du Parti, dans le cadre des décisions du 2ème Congrès, et pour faire face aux activités courantes, les entrées régulières et un crédit de départ de 5 millions prélevé sur les fonds de réserve du Parti.

LE COMITE CENTRAL peut, à la demande du Président du Parti se réunir en session extraordinaire budgétaires et examiner ses demandes de crédits nouveaux ainsi que les comptes-rendus financiers qu’il lui présenterait.

LE COMITE CENTRAL désigne un trésorier et un trésorier adjoint ayant la garde des fonds de réserve du Parti.
Il demeure entendu que ces fonds de réserve ne peuvent être utilisés qu’au travail du Parti et sur décision du C.C.

3ème Résolution

Les membres du COMITE CENTRAL sont autorisés à n’exercer s’ils le désirent que la fonction de membre du C.C.

Résolution Définitive

CONSIDERANT que le chef du Parti a depuis fin 1950 attiré d’une façon particulière l’attention des grands responsables sur la nécessité qu’il y avait pour le Parti d’élever son activité dans tous les domaines, conformément à sa ligne et au développement de la situation internationale ;

CONSIDERANT que le Président a préparé à cet égard un rapport dans lequel a été examiné d’une façon minutieuse le problème algérien au Maghreb Arabe et à la situation internationale ;

CONSIDERANT que ce rapport a été examiné par deux CC au cours desquelles il a été adopté à la suite d’un grand débat ;

CONSIDERANT que, depuis cette époque, le chef du Parti n’a cessé de lutter au CC pour l’élévation du problème algérien sur le plan international par une politique juste, énergique et conforme aux principes du Parti ;

CONSIDERANT que le pèlerinage aux LIEUX SAINTS de l’ISLAM était un moyen de faire connaître le problème algérien au monde Arabo-Islamique et préciser les aspirations véritables du peuple algérien ;

CONSIDERANT que ce voyage en Orient et la présence des délégations arabo-islamiques à la session de l’ONU de novembre 1951 à Paris devait être le début de l’internationalisation du problème algérien ;

CONSIDERANT que cette première étape qui s’est traduite par toute une activité politique et diplomatique à Paris et à Chantilly n’a ni avant, ni après été précédée ou suivie d’une exploitation rationnelle ;

CONSIDERANT que toutes les recommandations qui ont été faites par le chef du Parti auprès de la Direction et la fédération de France pour qu’une certaine activité soit faite dans la région parisienne durant la cession des Nations Unies n’ont pas été suivies ;

CONSIDERANT que le problème marocain et tunisien était à l’ordre du jour et qu’il était de notre devoir de poser le problème algérien par une activité adéquate ;

CONSIDERANT que rien n’a été fait à ce sujet malgré l’insistance du chef de Parti

CONSIDERANT que la direction est restée indifférente devant le déclanchement des événements de Tunisie et du Maroc ;

CONSIDERANT que le chef du Parti a attiré, une fois de plus, l’attention du Parti à l’occasion du 14 mars 1952 au sujet de l’immobilisme de la direction ;

CONSIDERANT que le chef du Parti a fait une tournée de propagande à travers l’Algérie en avril et mai 1952 pour faire son compte-rendu après son retour d’Orient et pour également élever le moral du peuple algérien ;

CONSIDERANT que cette tournée de propagande a donné d’excellents résultats malgré la déportation du Président ;

CONSIDERANT que cette déportation a laissé les mains libres à la bureaucratie pour instaurer sa politique de réformes et de facilités ;

CONSIDERANT que les années 1951-1952 et 1953 étaient le théâtre de grands événements au Maghreb et dans le monde sans que la Direction ne veuille les étudier et les analyser avec le président ;

CONSIDERANT que la bureaucratie a consacré tout son temps et son argent à la politique électorale et au Front Algérien en négligeant d’analyser les événements en Afrique du Nord ainsi que dans le Monde ;

CONSIDERANT que la bureaucratie a laissé le parti plongé dans le silence en abandonnant la Mémoire et toute activité politique extérieure pour ne se consacrer qu’à préparer sa collaboration avec le néo-colonialisme ;

CONSIDERANT que le 2ème Congrès n’a été qu’une comédie pour préparer et officialiser cette politique d’abandon et de compromission ;

CONSIDERANT que le chef du parti s’est élevé contre cette mauvaise politique par l’envoie de trois rapports au CC et par le retrait successif de sa  confiance au Secrétariat Général et à la Direction et au CC ;

CONSIDERANT que la bureaucratie a délibérément instauré une politique de réformes contraires aux principes révolutionnaires du parti au moyen d’une déviation flagrante ;

CONSIDERANT que cette déviation d’abord pensée, méditée, est passée dans le domaine des faits s’est installé dans le parti par toute sorte de moyens ;

CONSIDERANT que ni les rapports, ni les  protestations, ni le retrait de la confiance du chef du parti à la Direction, n’ont ramené la bureaucratie sur la bonne voie ;

Le PRESIDENT s’est vu dans l’obligation, pour sauver le Mouvement National Algérien, de faire appel à la base ;

CONSIDERANT que tous les militants de France et d’Algérie ont immédiatement répondu à l’appel du chef  du parti et crée un Comité de Salut Public pour sauvegarder l’unité du Parti et les principes révolutionnaires ;

CONSIDERANT que sous la poussée populaire de tous les militants, la Direction a démissionné le 28 mars 1954 en abandonnant le pouvoir au Président ;

CONSIDERANT que le CC, véritable image de la bureaucratie s’est arrogée le pouvoir et a pris trois résolutions caractérisées par la restriction, la défiance et l’appel aux membres du CC à fuir leurs responsabilités pour paralyser l’œuvre de redressement parla nouvelle Direction ;

CONSIDERANT que durant trois mois, le CC a utilisé les fonds du parti pour un travail de sape et de division dans le but de gêner la marche du parti afin de démontrer l’impuissance et l’incompétence de la nouvelle direction en vue de préparer le retour de la bureaucratie ;

CONSIDERANT que le CC a fait publier des tracts et des publications pour créer la confusion et la division chez les militants ;

CONSIDERANT que tous les membres du CC ont sillonné la France et l’Algérie pour entraîner les Kasmas à la désobéissance et au blocage des fonds ;

CONSIDERANT que le CC s’est réuni trois fois à l’insu du chef de parti et en violation des statuts, réunions au cours desquelles, des décisions ont été prises et rendues publiques sans que le président en soit informé ;

CONSIDERANT que le CC a rendu publique une résolution irrégulière après la réunion du 28 juin 1954, résolution qui n’est qu’un tissu de mensonges et de dépits ;

CONSIDERANT que tous les agissements du CC depuis plus de trois ans ont été une manière d’approuver la politique de facilité de la bureaucratie ;

CONSIDERANT que tous les faits signalés ci-dessus à l’encontre de l’ancienne Direction et du CC avaient pour objectif principal d’instaurer le parti à la politique de réforme et de collaboration avec le néo-colonialisme ;

CONSIDERANT que cette politique a entraîné la bureaucratie à l’immobilisme et à des concessions de fond qui ont gravement atteint la dignité du parti ;

CONSIDERANT que KIOUANE et ABDELHAMID Ali ont manqué à leur devoir dans une réception où le Maire d’Alger a magnifié l’œuvre du colonialisme en Algérie ;

CONSIDERANT que ces deux derniers n’ont pas protesté devant le Conseil Municipal d’Alger contre l’assassinat de nos frères lors du défilé du 14 juillet 1953 par sympathie à Jacques CHEVALLIER et pour ne pas compromettre la prétendue politique de réalisation économiques et sociales ;

CONSIDERANT qu’une réunion secrète a eu lieu en septembre 1953 entre des membres du BP et Jacques CHEVALLIER au cours de laquelle a été arrêtée la politique de collaboration avec le néo-colonialisme, politique qui a été communiquée à tous nos élus sous forme de circulaire ;

CONSIDERANT que cette politique est une déviation caractérisée des principes révolutionnaires, base fondamentale du parti ;

CONSIDERANT que cette déviation résolument établie a été établie au moment même où le problème tunisien et marocain prenait de l’extension sur le plan international, indiquant d’une manière précise la volonté de la bureaucratie d’abandonner à la fois les principes révolutionnaires et l’union maghrébine ;

CONSIDERANT que tous ces faits et actes ont provoqué un profond mécontentement chez les militants qui à plusieurs reprises se sont rendus à Bouzaréa, à Chantilly et à Niort pour manifester leur indignation contre cette déviation ;
De tout cela, il se dégage que la déviation contre laquelle je me suis dressé depuis plus de 3 ans s’avère malheureusement une grande réalité ;

En CONSEQUENCE le Chef du Parti, suivi de tous les militants et de la sympathie profonde du peuple algérien ont réagi contre cette déviation en sauvant le parti des mains de la bureaucratie et de ses mauvais desseins ;
C’est POURQUOI, en considération de tout ce qui précède, je déclare qu’il y a déviation et que le Congrès doit l’examiner pour la condamner ;
Aussi, JE POSE LA QUESTION DE CONFIANCE SUR CETTE RESOLUTION qui est l’expression du grand rapport lui-même, de tous les messages que j’ai adressés aux militants et des trois rapports que j’ai envoyés également au CC ;
Cette CONFIANCE que j’ai l’honneur de vous demander prouvera que l’appel du Chef du parti qui a été suivi par tous les militants a été lancé conformément aux intérêts du Mouvement National Algérien, de son redressement et de son unité. Cette confiance permettra au chef du parti de redresser complètement le parti et de conduire le peuple algérien dignement vers la libération.

MESSALI Hadj

  précédent
 
suivant